Mon Ombre [Pv Dorgoth]

Dans le noir, beaucoup de personnes perdent leurs repères. Au milieu de l'inconnu, elles ne peuvent qu'imaginer, que se bercer d'illusions.
Certains voient leurs craintes apparaître au coucher du soleil.
D'autres pas.

San courait. Elle savait où elle allait. Il fallait qu'elle y arrive. L'Ombre était son élément après tout.
Elle devait y arriver.
Ses jambes filaient, faisant le moins de bruit possible, elle sentait son âme s'imprégner de tout ce qu'elle pouvait ressentir. Les battements de son coeur lui perçaient la poitrine. Ses pupilles s'étaient noircies, lui offrant ainsi le maximum de visibilité qu'elle pouvait obtenir. L'élue semblait s'engouffrer dans le vent et elle ne faisait plus attention à la douleur de plus en plus intense qui l'envahissait depuis qu'elle avait débuté sa course. Une course contre elle-même.
Elle ne devait pas perdre. Pas encore.
Pas cette fois.

San courait. Vite. Evitant les troncs innombrables qui formaient la forêt, plongée dans une obscurité totale depuis déjà plusieurs heures.
Elle devait tout contrôler, en même temps : l'agilité de ses pas, son souffle, sa vitesse, le chemin qu'elle devait prendre, sa respiration profonde mais surtout, sa discrétion, son silence. Elle évitait les arbres, vive, rapide, son sang cognait à ses tempes. Tout était noir.
Mais soudain... sa tête heurta l'écorce. Le choc si violent la projeta au sol. Elle n'eut pas même le temps de s'en rendre compte.

Echec.

*

Quand elle rouvrit les yeux, elle comprit. Sa tête lui faisait si mal qu'elle avait l'impression d'être serrée dans un étau. Par réflexe, elle porta sa main à son front. Ses doigts furent maculés de sang. Ses paupières se refermaient malgré elle... il fallait qu'elle se relève, qu'elle continue, elle ne pouvait pas s'arrêter là...

Silence.

Assommée, San avait soudain l'impression que son coeur battait au ralentit. Comme toutes les personnes qui venaient de subir un choc brutal, elle se demanda si elle était toujours réellement de ce monde.
Les images défilaient. Etendue sur le sol, inerte, l'élue se força à fixer la lune.
Plusieurs longues minutes s'écoulèrent, plusieurs heures peut-être avant qu'elle n'acquiert un semblant de volonté qui devait réussir à remettre debout. Elle n'avait plus la notion du temps, encore sonnée. Sa tête lui faisait mal. Mal à en oublier tout le reste. Mal au point de ne pas penser à cet échec qui était le sien. Allait-elle crever ici ? Ce serait si minable.

Ultime effort, elle essaya de se redresser. Elle ne pouvait pas mourir sans avoir tenter quoi que ce soit..

Non vraiment, elle ne pouvait pas.

Le regard acéré, avançant sans hésiter à travers les ronces et les troncs couchés sa main tenant fermement la poignée de son épée, Dorgoth était perdu. L'envie lui avait pris de faire un tour à l'endroit où il avait vu Darjen pour la dernière fois et s'était finalement enfoncé plus loin que prévu entre les arbres. Il avait évolué à travers la végétation de plus en plus luxuriante sans vraiment chercher quoi ou qui que çe soit, perdu dans ses pensées, il avait pris son épée plus par soucis de s'en servir de temps en temps que par réelle nécéssité. A vrai dire il pouvait aisément s'en passer, ses pouvoirs pouvant créer des centaines d'armes autrement plus dévastatrices qu'une lame même magique.
Le maître des cendres s'était arrêté plusieurs fois pour observer un tronc à la forme étrange, un champignon aux couleurs vives ou encore un petit plan d'eau entouré de traces d'animaux, si bien que la simple ronde qu'il s'était fixé s'était finalement transformée en balade, le jeune homme avançait sans choisir son chemin, escaladant parfois les troncs des arbres quand l'envie lui en prenait, se pendant aux branches, il appréciait ce contact avec la nature, être quelque-chose de vivant au milieu d'un monde silencieux et pourtant gorgé de vie. A sa grande joie il avait réussi à débusquer ce qu'il avait d'abord cru être un cheval sauvage mais la bête s'était retournée brusquement alors qu'il l'approchait et Dorgoth avait découvert avec surprise une immense corne noire plaçée au milieu de son front. En un éclair la bête avait disparu et le conseiller divin était resté pendant quelques minutes mi admiratif mi pensif, se demandant combien d'espèces étrange pouvaient vivre dans la forêt. Puis il avait repris sa route.
Levant les yeux, il réalisa soudain avec étonnement que le ciel au dessus de lui étais teinté d'orange. Si tard? En soupirant il se préparait à s'élever au dessus des arbres. Des particules grises et poreuses commençaient à affluer autour de ses jambes, signe que les pouvoirs si particuliers de Dorgoth étaient en pleine action. Mais soudain tout s'arrêta. Non, il allait rentrer à pied.
Et sur cette décision aussi impulsive infondée il retourna sur ses pas.
Seulement voilà, repartir de l'endroit d'où vous venez pour retrouver son chemin est chose facile quand on a évolué en ligne droite, or le maître des cendres avait dû parcourir une quinzaine de kilomètres en zig-zagant, traversant la zone ouest de la forêt de part en part. Le maître des cendres s'était donc retrouvé adossé contre un arbre totalement désorienté dans cette mer verte. Bien sur il lui aurait été facile d'en ressortir par le haut et de rentrer à l'académie, mais non, il avait choisi de partir à pied, il partirait à pied. Il avait donc repris sa marche tentant de se repérer grâce à des particularités dans son environement mais cela s'était révélé totalement infructueux quand il se fut apperçu qu'il repassait depuis la troisième fois devant le même arbre couché. Tentant de se contrôler, avec peine, il avait donc pris la décision de marcher tout droit jusqu'à ce qu'il sorte quelque part.
C'est ainsi qu'il se retrouva à marcher droit devant lui avec détermination, la nuit était déjà tombée et il avait sorti son épée de son fourreau pour s'éclairer mais aussi pour assurer une défense efficace, bien qu'il soit encore dans la partie saine de la forêt la nuit faisait sortir d'étranges êtres. Soufflant de lassitude il écartait branches et plantes hautes de sa route en pensant à ce qu'Ipiu lui dirait si elle le voyait rentré couvert d'épines et de boue qu'il ne prendrait bien sûr pas la peine d'enlever de ses vêtements. Souriant à cette idée il manqua de peu de poser son pied sur ce qui lui semblait être...un corps?
Le pied gauche du garçon, instinctivement se posa en arrière sans bruit, perpendiculaire à l'autre, la pointe de sa lame plaçée à quelques mètres en avant. Penchant la tête il fronça les sourcils en fixant la chose qui respirait devant lui. Elle était encore vivante c'était un fait, semblait de nature humaine -mais les apparence dans la forêt la nuit étaient parfois trompeuses. D'ailleurs il lui semblait qu'il la connaissait. Après réflèxion oui il la conaissait, de vue tout du moins, puisque c'était la petite amie de son frère, fille pour qui d'ailleurs il se serait tué ce que Dorgoth lui avait toujours reproché. Elle était plutôt mal en point, du sang séché déformant ses traits, il semblait s'écouler de son front.
Après une rapide analyse mentale des alentours qui lui confirma l'absence de toute créature magique hostile le conseiller divin planta son épée dans le sol pour s'assurer une bonne visibilité et se pencha sur le visage de...de San, oui c'était ça.
Doucement, ses doigts passèrent au dessus de ses lèvres puis sous ses narines pour finalement effleurer sa tempe. Après quelques secondes il les retira, son pouvoir était flou et désordonné mais présent. Dorgoth envoya une nouvelle sonde mentale pour repérer les possibles créatures qui auraient été attirées par la lumière que dégageait son épée mais rien d'inquiétant ne lui revint. Alors il regarda l'élue dans les yeux, ceux-ci fixaient les siens avec une expression neutre presque détachée comme si elle attendait quelque-chose. Ils se détachèrent quelques secondes pour se perdre dans l'immensité du ciel et Dorgoth, lui aussi regarda dans la même direction. La lune était énorme, rousse et magnifique ce soir là. Se baissant sur la blessée qui le regardait de nouveau il réfléchit à la marche à suivre à présent, si elle avait été infectée par quoi que ce soit il fallait agir rapidement, mais pour cela il fallait qu'il sache ce qui lui étais arrivée. Il fit disparaître les flammes de son épée, la rangea, et fit apparaître un petit feu dans le creux de sa paume, qui dégageait une lumière moins vive et plus de chaleur, il le rapprocha du visage de San, juste assez loin pour ne pas l'effrayer.

"Tu peux parler?"

Malgré ses efforts, San n'arrivait à se concentrer sur rien. Pas même sur la lune qui lui semblait terriblement floue. Elle prit une grande inspiration. Ses doigts tremblaient, ainsi que tout son corps. Elle avait froid tout à coup. Où était-elle ? La jeune élue de l'Ombre sentait une présence, comme si quelqu'un était là, tout près. Ses yeux parcoururent un instant les alentours, rien. Tout était noir. Ses yeux étaient redevenus azur, elle ne distinguait plus rien dans toute cette obscurité. Et pourtant elle ne paniquait pas. Certainement trop assommée encore pour se poser des questions futiles. Mais cette aura qu'elle sentait dans les environs la perturbait.. Une aura qu'elle avait l'impression de connaître vaguement. Son regard balaya encore une fois la forêt, s'accrochant soudainement aux pupilles de l'inconnu. San cligna des yeux plusieurs fois. L'expression de son visage se durcit un instant, essayant cette fois de se concentrer pour retrouver l'identité de cette personne.

Soudain, une chaleur douce lui caressa le visage. Un frisson dévala le long de son dos.

"Tu peux parler?"

La jeune femme poussa un gémissement. Ses paroles résonnant dans sa tête, elle avait l'impression qu'il venait d'hurler à tel point elle avait mal à la tête. Ses yeux se fermèrent. La voix apparemment masculine commençait à peine à se dissiper, elle entrouvrit les lèvres mais seul un son quasiment inaudible en sortit.
Elle rouvrit les yeux, faisant bouger son cou lentement, elle posa une main sur le sol humide et froid, tentant de se relever. Elle n'avait qu'une seule envie : partir de cet endroit. San tremblait de tout son corps. Elle s'était redressée, un peu. L'air parut trop froid pour ses poumons, sa respiration se bloqua.

- .. Je..

L'élue se mit à tousser. Son bras fléchit, elle retomba au sol.

[Un peu (vraiment) court, je suis désolée.]

Dorgoth eut une moue sceptique. Elle était consciente certes mais ça ne changeait pas grand chose, il devait la ramener à l'académie, bien que la curiosité le démangeait elle serait sûrement plus encline à lui répondre, soignée et reposée. Mais si elle avait quelque-chose de cassé...
En soupirant le maître des cendre pensa à appeler Vect pour lui dire de venir avec un médecin ou un des élu de la lumière, il serait prompt à réagir et au moins Dorgoth pourrait aller se coucher. Mais quelque-chose le retint, de l'orgueil? la curiosité? Surement un peu des deux. S'il sauvait San son frère le remercierait surement et lui ficherait la paix sur sa soi-disante oisiveté qu'il traitait -à tord- de 'chronique'.
Finissant de se décider Dorgoth se pencha de nouveau sur l'élue de l'ombre, elle devait sûrement être très jolie la demoiselle sans tout ce sang coagulé sur le visage. Ils s'étaient parlés rapidement sur Tara, juste après son arrivée mais il ne s'en souvenait plus vraiment. Décidant de faire une rapide analyse de l'état des os de San il commença à lui palper le bras droit, il s'arrêta et se pencha de nouveau vers les yeux bleus qui le regardaient.

"Dis-moi si je te fais mal..enfin fait moi signe, quelque-chose"

Il attendit quelques secondes et continua son analyse.

(Hj: jsuis crevé en fait je fais pas mieux xD)

Au sol, San tentait tant bien que mal de reprendre ses esprits. Elle venait d'échouer à l'exercice qu'elle s'était imposé, exercice qui consistait à courir le plus vite possible dans une forêt, aveuglée par la pénombre, slalomant entre les troncs et évitant les racines. Pour quelqu'un de "normal", cet entraînement aurait certainement été qualifié de stupide, ou encore de masochiste, que sais-je.. Seulement pour la jeune élue de l'Ombre, cet apprentissage lui permettait d'affûter tous ses sens lorsqu'elle était dans l'obscurité totale. Ses yeux s'étaient habitués à la pénombre en peu de temps, pourtant, elle avait percuté un arbre de plein fouet, et son front avait heurté l'écorce si fort qu'elle avait eut la vague impression que son crâne s'était littéralement fendu en deux.
Au bout de quelques secondes, elle cligna des yeux plusieurs fois, cherchant le regard de l'homme qui l'avait retrouvé à moitié agonisante au pied d'un arbre. Puis, elle sentit qu'il appuyait sur son bras, elle ne broncha pas.

"Dis-moi si je te fais mal..enfin fait moi signe, quelque-chose."

Elle ne savait pas réellement si elle avait quelque chose de cassé, elle n'en était pas vraiment sûre. La douleur dans sa tête était si puissante qu'elle ne sentait même plus l'air froid et humide qui glaçait sa peau. D'un geste vif, (elle même surprise d'avoir encore un minimum de réflexes dans ses conditions) elle attrapa la main de l'individu et la serra faiblement. Elle suffoquait, et ses difficultés à respirer se faisaient de plus en plus intenses. Cherchant un moyen de lui faire comprendre, elle déplaça lentement sa main gardant dans la sienne celle de l'homme et la posa sur le haut de sa poitrine, près de son cou. Sa tête vacilla et l'emprise de ses doigts gelés se desserra. La jeune femme tenta une nouvelle fois d'articuler quelque chose, en vain. Ses paupières se fermèrent et elle fronça les sourcils alors qu'une nouvelle goutte rougeâtre dévalait le long de son visage, rejoignant ses lèvres, lui donnant un goût de ferraille si spécifique à celui du sang.
Elle sentit un coup plus violent lui être asséné à la tête, et elle se redressa soudainement portant une de ses mains contre son front, elle étouffa un gémissement et se remit à tousser, plantant involontairement ses ongles (pourtant courts) dans la peau de son manifeste sauveur.

Le maître des cendres eut un geste de recul quand San tendit la main dans sa direction mais ne fut pas assez rapide pour que la jeune fille ne réussisse à lui attraper la main. En fronçant les sourcils il l'observa porter sa main tremblante au niveau de son œsophage, manifestement elle essayait de lui faire comprendre quelque-chose. Sa gorge devait l'empêcher de respirer et donc de parler, ou bien elle faisait une crise d'asthme, dans les deux cas il valait mieux éviter de traîner. Alors qu'il tentait de trouver une solution pour faire de nouveau respirer San, celle-ci lui sauta littéralement dans les bras, l'obligeant à poser sa main libre à terre pour ne pas tomber en arrière et à serrer les dents pour ne pas grogner quand les ongles de la blessée se plantèrent dans sa paume.
Usant de sa poigne aussi doucement qu'il le pouvait il la fit desserrer les doigts puis passa lentement le bras de la jeune fille autour de ses propres épaules, la cage thoracique libérée cette dernière devrait pouvoir respirer un peu mieux. Mais San continuait de tousser, de plus en plus fort, cherchant toujours un air qui ne venait pas, des trainées rouges glissant de plus belle sur ses joues et ses lèvres, le coeur du conseiller divin du feu se serra, au loin un oiseau nocturne hulula brièvement.
Dorgoth réfléchit encore puis posa, d'un geste sur mais sans trop serrer, sa main sur la gorge de l'élue de l'ombre. Après s'être assuré que l'ensemble de sa main enveloppait les organes respiratoires de San il releva les yeux vers elle et, de nouveau chercha son regard, encore une fois. Le sang séchait de plus en plus sur son visage et des craquelures apparaissaient maintenant au niveau de ses sourcils, il fut tenté d'essayer d'enlever la croûte qui recouvrait la peau blanche mais s'abstint, il vallait mieux attendre que le sang cesse de couler avant d'entreprendre un quelconque nettoyage à ce niveau.
Son cou était extrêmement fin, il arrivait presque à faire le tour avec sa main. La pâleur de la peau qu'il touchait semblait tellement pâle au clair de lune qu'il se surprit à se demander si ses mains n'étaient pas trop sales, le même oiseau, où un autre de la même espèce, poussa de nouveau son cri et le silence nocturne revint de nouveau, pesant et apaisant.
Lentement, Dorgoth réchauffa sa paume, très lentement, puis commença à masser doucement la gorge de San sans quitter ses yeux de son regard fauve, guettant le moindre signe qui lui intimerait d'arrêter pour retirer sa main.

San ne se rendit compte qu'elle avait littéralement enfoncé ses ongles dans la peau de l'homme que lorsque celui-ci desserra doucement son emprise. Qu'il lui veuille du bien ou pas, elle n'était pas en mesure d'en juger, elle se contentait d'apprécier sa présence, qui, au plus haut point, la rassurait. Il prit son bras et le passa derrière ses épaules, elle sentit la pression sur ses poumons se libérer légèrement mais elle fut prise derechef d'une quinte de tout violente qui lui écorcha les bronches. Elle gémit, plainte qui ressembla fortement à un feulement et qui sembla se perdre entre les arbres. Dans la nuit, elle ne distinguait plus rien. Ses pupilles passant du bleu au noir à chacun de ses battements de cils, elle tenta de se concentrer sur le visage du jeune homme. Soudain, elle sentit sa main se poser sur sa gorge. San sursauta. Son geste n'avait pourtant pas été brusque, seulement la température de sa peau contrastait vivement avec celle de la jeune fille. Elle ne pu retenir un frisson. Elle toussa encore puis elle le vit relever les yeux en se direction. L'élue de l'Ombre tenta tant bien que mal de plonger son regard dans le sien, décryptant son expression dans la pénombre avant qu'il ne reporte son attention sur son cou. Son massage plutôt spécial lui fit du bien, et elle s'apaisa un peu plus, ses muscles se détendant un peu plus à chaque seconde. Elle ferma les yeux un instant, se concentrant sur sa respiration. L'air passait déjà beaucoup mieux, certes, elle suffoquait encore, mais c'était déjà beaucoup mieux.
Au bout de quelques courtes minutes, elle articula d'une voix faible, simple murmure dans la nuit. A peine fût-il audible pour l'homme qui se tenait près d'elle.

- ..Merci..

Elle tenta d'esquisser un sourire qui, au final ressembla plus à une grimace.
Un léger craquement se fit entendre. Apparemment assez fort pour faire sursauter la jeune femme qui se sentait soudain étrangement parano'. Il fallait vraiment qu'elle rassemble ses idées, qu'elle reprenne ses esprits et si possible, qu'elle oublie la douleur permanente et si intense qui cognait son front.

Dorgoth sourit lorsque le murmure de San lui parvint, sans pour autant se départir de son inquiétude. Son état, ses tensions soudaines, ses yeux -surtout- en disait long. Loin d'être seulement blessée physiquement l'élue de l'ombre semblait avoir subi un choc psychologique fort. Après être resté près d'elle un certain temps et avoir touché différentes parties de son corps il percevait mieux les flux magiques qui circulaient en elle, un chaos total. Une effusion de vagues d'arcanum, surement couplé à un surplus d'adrénaline avait totalement vrillé les courants spirituels de la jeune fille, son état s'arrangerait difficilement tant qu'un semblant d'ordre ne serait pas rétabli. A force de fréquenter des élus Dorgoth savait que certains pratiquants de la magie brouillaient volontairement leurs énergies magiques pour parvenir à créer des sortilège impossibles à crée dans leur état normal, cette tendance étant franchement plus présente chez les élus de l'ombre...qui d'ailleurs finissaient quelquefois fous ou mort après ces expériences. Mais il doutait que San ait employé ce genre de magie, elle ne devait donc pas savoir comment réordonner son arcanum seule.
Doucement, quand il jugea qu'il ne pouvait plus augmenter la chaleur de sa main sous peine de brûler la peau de San il la retira, laissant un léger halo de chaleur autour de la gorge pâle. Doucement sa main remonta, sans perdre le contact avec l'épiderme de l'élue de l'ombre, passant sur sa joue en la caressant presque, pour finalement venir répeter la même opération sur les tempes de la jeune fille, se servant de sa deuxième main cette fois-ci.
Mais à peine avait-il commencé à réchauffer le bout de ses doigts que, lui aussi, il entendit le craquement. Il changea pas d'un pouce son attitude, les yeux toujours plongés dans ceux de la jeune fille. Mais alors que Dorgoth, semblait-il, se bornait à ne pas relever la tête pour repérer un éventuel danger, de légers nuages gris et vaporeux se matérialisèrent doucement tout autour des deux élus, tellements soudainement et avec un fluidité telle qu'un observateur un tant soit peu humain aurait juré qu'ils aivaient toujours été là. De minuscules points rouges, sans un bruit, s'échappèrent du dos du maître des cendres et s'enfonçèrent dans les buissons. Alors qu'il massait toujours le crâne de San son regard dans le sien, une vision annexe, -qui aurait été chaotique et incompréhensible pour la quasi totalité des êtres vivants s'ils avaient eu un jour l'occasion de la voir- lui révelait ce qui se passait à une dizaine de mètres autour de lui.
Et c'est ainsi que dans son esprit se matérialisa à quelques branches au dessus d'eux, deux immense êtres au huit pattes recouvertes de chitine grise et velue qui les fixaient déjà de leurs innombrables yeux noirs sans paupières, retenues par des entrelacs de toile aussi noire que la nuit. Leurs mandibules s'agitaient frénétiquement, comme si elle dévoraient déjà avec aviditée le vide qui les séparaient de leurs proies.
Dorgoth réflechit à toute vitesse, il devait les faire approcher. D'un claquement de doigts il serait sûrement arrivé à les faire imploser, mais il ne voulait pas utiliser de magie trop agressive avec San à ses coté. Il savait d'expérience qu'un flux magique brouillé se corompait très facilement et, avec un magie de sa puissance il risquait de gangréner entièrement l'esprit de San rien que de par sa proximité.
Lentement le maître des cendres pencha sa tête vers l'élue de l'ombre en fermant les yeux. Il devait absolument réfrenner les battements de son coeur. S'approchant de plus en plus du front de la blessée Dorgoth y déposa finalement ses lèvres, autant pour la rassurer que pour se calmer lui même. Son front était brûlant. Lentement son rythme cardiaque ralentit pour revenir presque à la normale. C'était iminent, il sentait s'agiter les pattes au dessus de lui.
Un bruissement se fit entendre et une immense ombre cacha soudain la lune tandis que l'araignée géante fondait sur la nuque exposée du jeune homme.
Dorgoth, d'un geste fluide détacha ses doigts de la tempe de San, saisit son épée, une bordure rougeoyante apparaissant en un éclair sur le tranchant, et dans un mouvement du bassin brusque envoya son bras en arrière. Un vrombissement se fit entendre suivi d'un sifflement virulent tandis qu'une forte odeur de brulé se répandit entre les arbres. Les deux parties du corps de l'araignée tombèrent dans un choc sourd, s'agitèrent violemment puis s'immobilisèrent, inertes.
Sans bouger d'un poil le conseiller divin du feu chercha de nouveau à dessus de lui la présence de l'autre créature grâce à sa double vision, mais elle avait disparu. Envoyant ses capteurs à travers les arbres, tout autour d'eux il en déduit qu'elle avait fui, enfin rien n'était sûr.
Reprenant sa vision humaine à part entière il reposa son épée à coté de lui et chercha de nouveau le regard de l'élue de l'ombre...

Le sourire du jeune homme la rassura durant un instant, alors qu'une onde de chaleur traversa son coeur. Tout était si froid. La chaleur intense qu'il dégageait avait un côté apaisant indéniable, qu'elle ressentait beaucoup plus dans uns situation pareille, évidemment. Afin d'éviter d'éprouver la douleur qui cisaillait son front et sa tête de toutes parts, San se concentra sur les yeux de l'élu. Bruns. Comme ses cheveux apparemment.. A moins que.. Elle ne savait plus. Elle, qui, d'ordinaire, n'avait absolument aucun mal à se repérer dans la nuit, semblait ne plus y parvenir correctement. Les pupilles de la jeune femme ne cessaient de passer d'une couleur à une autre, arborant un bleu aussi profond que le ciel puis virant soudainement à un noir intense, presque effrayant. Effectivement, elle devait avoir l'air d'un vrai cadavre "ambulant", avec sont front écorché, les dégoulinures rougeâtres qui contrastaient avec sa peau si blafarde qui elle-même s'opposait audacieusement à la Pénombre.
L'élue senti la main du garçon glisser le long de son cou, puis sur sa joue glaciale avant d'arriver jusque ses tempes. Impassible, son regard restait ancré au sien. Comme s'il n'avait pas entendu ce craquement qui, elle, l'avait perturbé. Elle sentait que quelque chose se passait, mais elle était incapable de dire quoi. Elle ne cernait plus rien. Bien qu'une sorte d'intuition complètement floue lui oppressait le coeur, elle ne pouvait analyser la situation, et encore moins raisonner.
Il ne lui restait donc plus qu'une seule solution : faire confiance à son "sauveur". De toute façon, s'il lui voulait du mal, il aurait agit plus tôt.. et, bien que son esprit était un peu chamboulé, elle ne discernait rien d'hostile ou de malveillant dans son regard. Au contraire.

San, complètement désorganisée, ne s'attarda pas plus sur l'étrange sentiment qui l'avait parcouru lorsque le craquement se fit entendre, mais restait machinalement absorbée par l'homme. (Ce qui au fond, devait être son but, et il y parvenait sans aucune difficulté tant l'esprit de la jeune fille était altéré.)
Elle le regarda s'approcher un peu plus, puis lorsque ses lèvres se posèrent avec douceur sur son front, elle ferma instinctivement les paupières. Au même instant, l'odeur de l'élu lui parvint, légère et si.. particulière. Elle laissa s'échapper un soupir désinvolte, décrispée.
Mais, en l'espace d'une seconde, un bruit inhumain transperça le silence de la nuit et une créature jaillit, sa silhouette se découpant à la lumière de la Lune. Une vague d'effroi traversa le regard de l'élue de l'Ombre et elle eu un mouvement de recul. Pourtant, elle n'eu le temps de réflechir à quoi que ce soit : en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, la bête fût tranchée en deux en poussant un cri si perçant que San pressa ses mains contre sa tête. Ses yeux étaient si intensément fermés que des traits crispés creusaient son visage. Appuyée contre un tronc, elle tomba sur le côté. Un crissement strident et continu résonnait dans sa tête. San poussa un cri étouffé avant de finalement laisser retomber ses bras au sol, à bout de force.

Le maître des cendres s'était et, après avoir jeté un rapide coup d'oeil, presque amusé, au cadavre de l'araignée il avait de nouveau tourné son attention vers San. Ce fut un choc. Il l'avait, certes, protégée physiquement de l'agression mais son mental affaibli n'avait pas résisté aux flux de violences qui s'étaient échappé de l'affrontement, bref, mais qui avait demandé une tension des deux opposants et donc des déchargement d'énergie inévitables. Les barrières étaient tombé et, à nouveau, des décharges malsaines étaient venues détruire un peu plus l'esprit de l'élue de l'ombre. Il semblait maintenant si éthéré, déchiré et instable, qu'un instant Dorgoth s'en voulut même d'avoir riposté contre l'énorme araignée, mais cette pensée s'en fut vite de son esprit, si ce n'était pas la meilleure solution c'était au moins la plus sûre et ils seraient peut-être déjà morts s'il avait hésité ne serait-ce qu'un instant. Cette pensée s'affermit quand, détournant un instant les yeux de San il regarda l'énorme dard suintant d'un liquide jaune, qui perçait l'abdomen du monstre à son extrémité.
Se mordant la lèvre de déception, il ne pouvait pas s'empêcher de s'en vouloir pour son inefficacité, tout relative, il fit quelques pas vers San. Il ne pouvais plus grand chose pour elle, la rassurer, la relaxer relevait maintenant de l'impossible, et quand bien même il aurait essayé il avait trop peur de l'affaiblir encore et qu'elle finisse de sombrer ou la récupérer aurait été...il ne préférait pas y penser.
A nouveau il s'agenouilla près de l'élue de l'ombre, il avait l'impression d'avoir répété ces gestes un nombre incroyable de fois, pour qu'on brise son travail à nouveau encore, et encore et qu'on enfonce San plus profond, encore.
Il devait prendre le risque de l'amener en volant jusqu'à l'académie. La-bas il serait beaucoup plus simple de l'aider à retrouver son intégrité spirituelle, ne serait-ce que grâce à la sécurité et à la magie que procurait les murs de la forteresse des élus. De plus les infirmiers et les élus de la lumière présents la-bas étaient plus apte que lui à lui prodiguer des soins. Mais le voyage n'allait pas être facile, le vol nécessitait un déclenchement de pouvoirs considérable qui risquait lui aussi d'agresser San et de la consumer entièrement. Dorgoth serait donc obligé de voler avec le minimum de pouvoirs, il n'en avait pas l'habitude et il ne pourraient se déplacer que lentement, principalement en planant sur les couches d'air mais cela valait toujours mieux que de traverser la forêt à pied, surtout la nuit.
Mais, même avec cette précaution, pourrait-elle tenir le coup? Dorgoth avait rarement vu une telle vulnérabilité chez un élu, non, ça ne fonctionnerait pas, elle mourrait après quelques minutes de vol, ou muterait en créature de feu et d'ombre sous l'influence dévastatrice du pouvoir du maître des cendres. Il ne pouvait pas non plus annuler son pouvoir, totalement.

Pour éviter tout conflit entre son pouvoir et l'énergie déchirée de San, il lui restait une solution, s'ouvrir totalement à elle, lui laisser son propre esprit à portée de main; lui autoriser le passage à travers ces océans de flammes et ces forteresse de pierres qui renfermait l'essence de son être.
Dorgoth inspira un grand coup et, autant pour lui que pour elle, il prit la main de San. Il avait peur. Pas peur d'elle, non, dans son état elle ne risquait pas de l'agresser mentalement ou d'investir ses énergies, il avait peur de lui. Il n'avait jamais cédé, jamais ouvert totalement les portes de son âme, à personne, ni à Ipiu ni à Mathilde, ni à personne. Aucun être n'avait pénétré dans les tréfonds brûlant du semi-démon, cet acte dépassait l'intimité, c'était au dessus de tout les secrets et tout les gestes de confiances, c'était donner plus que sa vie et, même pour une personne à la lisière de la mort il ne pouvait se livrer sans réticences.
Et puis il y avait cette chose, tout au fond, qui risquait de se réveiller... La puissance maintenant quasi-inexistante de San avait très peu de chance d'attirer l'attention du dormeur mais...
Le maître des cendres tendit soudain l'oreille, le souffle de San...il ne l'entendait plus?
Brusquement il la prit dans ses bras, il devait éviter tout parasite où ils disparaitraient tout les deux. Son cœur était si serré, il serra les dents et se retint de presser le corps de San contre lui. Il avait si peur, il n'avait jamais eu aussi peur, sa respiration s'accélèra. Il avait l'impression qu'on lui demandait de s'amputer, de s'arracher la peau pour laisser les microbes entrer dans ses plaies. Jamais il n'aurait pensé que s'ouvrir totalement aurait été si dur, sa vraie faiblesse résidait en ce point, il savait se débrouiller sans son pouvoir mais était arrivé à une assimilation si profonde de l'énergie du feu que se délester totalement de ces protection mentale le terrorisait au plus haut point, il se sentait plus faible qu'un humain encore.
Il serra les dents de plus belle et une larme roula sur sa joue, il avait intensément honte et il avait peur.
L'odeur de la jeune fille lui parvint, mêlée à celle du sang séché, encore présente et, d'une impulsion nerveuse, il commença à abaisser ses barrières.
Les battements de son cœur s'accélérèrent soudain et il crut qu'il allait suffoquer, par manque d'air les larmes coulaient maintenant à flot sur ses joues et ses yeux étaient exorbités. Malgré cela il tenta de créer un minuscule passage pour l'esprit de San. C'était plus simple qu'il ne pensait mais aussi beaucoup trop rapide, son crâne bourdonnait et des sueurs froides lui coulaient abondamment le long du dos, il avait l'impression de sombrer lui aussi, de perdre tout ses sens, il se convulsait frénétiquement, tentant de rester debout. Peu à peu il forma une alcôve dans la surface des limbes de flammes, celle-ci s'agrandissant pour devenir une grotte de plus en plus profonde. Au fur et à mesure que son mental se reformait pour accepter l'esprit de San, Dorgoth se sentait de plus en plus vide, de plus en plus plein, sa peur ne disparaissait pas, il ne voulait plus penser à autre chose qu'à ce qu'il faisait, il reconnaissait chaque morceau de son pouvoir qu'il livrait et frissonnait quand il était rendu inoffensif.
Soudain, bien plus tôt qu'il ne le pensait, toutes les barrières furent abaissées et, au fond, tout au fond, le cœur, l'essentiel, le centre, fut pour la première fois depuis des années, libre ouvert, par un minuscule interstice. La tête du maître des cendres bascula violemment en arrière et tout les muscles de son cou se contractèrent brusquement à lui en casser la nuque, sa bouche grande ouverte comme pour chercher une ultime goulée d'air. C'était comme si un coup de vent avait fait frissonner ses entrailles, ouvertes à l'extérieur. Dans le même temps, il pressa San contre lui, et malgré lui. A ce moment-là l'énergie de l'élue de l'ombre s'infiltra mollement dans la brèche créée et Dorgoth s'évanouit.
Il se réveilla quelques secondes plus tard, toujours debout, San toujours plaquée contre lui mais, étrangement, quand il la regarda, tremblant, il eut l'impression que son image était éthérée et qu'elle se fondait en partie avec son propre corps. A ce moment il se risqua à fouiller son propre esprit et, à sa grande surprise, il vit que l'esprit de l'élue de l'ombre s'était finalement en grande partie déversée dans le sien, agonisant, et que les deux énergies, sans se lier totalement s'étaient légèrement entrelacées, seul une légère parcelle d'énergie reliait le corps de San au sien, maintenant son corps dans cette dimension.
Respirant un grand coup le maitre des cendres manqua de sombrer une nouvelle fois, c'était si étrange! Il avait l'impression d'être mis totalement à nu, toute sa vie ses sensations ses pensées face à quelqu'un qui s'il le voulait pouvait tout savoir tout changer, s'insuffler lui-même dans ses pensées. Mais ce n'était pas aussi désagréable qu'il l'aurait cru...c'était même grisant, il ne savait pas s'il risquait de modifier l'âme qu'il tenait partiellement en lui, ou si l'inverse se produirait, tout semblait pouvoir arriver. San lui semblait de plus en plus faible, maintenant qu'il pouvait ressentir chaque inflexion de son énergie cela lui semblait d'autant plus grave, comme si elle composait une partie de lui-même
Sans perdre de temps à étudier la dangereuse fusion qu'il venait d'effectuer, elle le fascinait et il dut prendre sur lui pour se détacher de son étude, il ouvrit ses ailes et s'envola, perçant le feuillage dans un bruissement enflammé.

Il se sentait si différent, si vulnérable, et pourtant, quelque-chose déversait une douce chaleur dans son cœur. Celui-ci aspirait-il à respirer l'air libre depuis si longtemps? Ou y-avait t-il autre chose?

San avait subit un choc important. Physique, mais mental surtout. Elle ne s'était pas ménagée, elle avait voulu se prouver à elle même qu'elle méritait sa place ici, ainsi que son titre d'Elue de l'Ombre. Pendant trop longtemps, elle avait été seule, invisible, quasiment inexistante.. Son besoin de se sentir vivante avait été si fort qu'elle n'avait pas réfléchi aux dommages que tout cela pouvait lui causer. Stupide. Elle s'était montrée tout simplement stupide. San était une jeune fille fragile, et ce n'est pas avec ce genres d'actes qu'elle deviendra plus forte, elle le savait bien..

L'homme, après s'être débarrassé de la bête qui avait tenté de les attaquer, s'agenouilla près d'elle. Il semblait comme.. effrayé. En effet, son aura avait quelque peu changé, passant du calme à une sorte de panique tangible. Qu'est-ce qu'il pouvait bien se passer dans sa tête ? Il devait certainement se demander comment allait-il bien pouvoir sortir d'ici sans finir comme dîner aux bestioles pas franchement accueillantes qui rôdaient aux alentours.. Et pourtant, quelque chose clochait. Il n'avait eu apparemment aucun mal à détruire l'araignée et l'Elue avait sentie sa puissance, sa capacité de destruction.. Non, il n'avait pas peur des créatures. C'était forcément autre chose. San se décrispa un instant, ses paupières tentaient de s'ouvrir, mais se refermaient aussitôt. Elle avait tant puisé dans ses forces qu'elle n'était même plus sure de tenir une minute les yeux ouverts. Une nouvelle fois, elle essaya, se concentrant sur l'Elu des flammes. Son visage était trouble, elle distinguait à peine l'expression de son visage angoissé. Il lui prit la main. San referma ses paupières, elle ne voulait plus qu'il la lâche, sa peau était encore chaude, comme si à l'intérieur de ses veines la lave avait remplacé son sang. Elle aurait voulu la serrer, comme pour lui dire qu'elle ne comptait pas crever ici, comme pour lui dire qu'elle allait bien, qu'elle allait se relever et qu'ils allaient rentrer.. Mais elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas.
Soudain, il la prit dans ses bras. Elle se retrouva serrée contre lui, à partager la chaleur de son corps, les battements effrénés de son cœur, anisi que sa peur. San ne sentait plus son propre corps, mais semblait respirer au même rythme que l'Elu, ou plus étrange encore, à travers lui. La jeune femme ne mesurait plus rien de la situation, elle ne comprenait pas encore ce qu'il se passait. Il avait si peur. Il suffoquait, son corps, ses muscles se contractaient.. Pleurait-il ? Désorientée, San tremblait de toute son âme. Son esprit semblait sombrer, se séparer de son corps.. Alors c'était ça, la mort ? Vraiment ? Elle n'allait pas finir sa vie ici tout de même ? Sa tête bouillonnait. Au moins, n'aura pas eu à affronter cette épreuve seule. Elle était avec Lui. Lui.. il était si étrange. Il n'allait pas mourir aussi quand même ?.. San eu la force d'entrouvrir ses lèvres mais pas de prononcer le moindre mot. Elle aurait voulu simplement lui dire merci, de l'avoir aidé. Mais maintenant c'était sûrement trop tard...

En l'espace d'un instant, l'Elue eu l'impression que son esprit se déchirait. Qu'au plus profond d'elle-même il n'y avait plus rien, plus que le néant, le vide total. Elle brûlait, les yeux clos et les dents serrées, seuls les bras de Dorgoth l'empêchaient de s'effondrer au sol et de se replier sur elle même, comme pour se fondre dans la nuit et ne plus jamais en revenir. Puis, progressivement, la douleur s'estompa faiblement, laissant place à cette chaleur, profonde et particulière. San cru se retrouver, elle n'était plus vide, et pourtant tout avait changé à l'intérieur de son âme. Effectuant un ultime effort pour arpenter son esprit, elle comprit subitement que quelque chose d'invraisemblable s'était passé entre son essence et celle du jeune homme. L'Elue de l'Ombre tressaillit. Une nouvelle fois, elle tenta d'ouvrir les yeux. Elle n'y parvint pas. Elle ne percevait plus rien du monde extérieur. Plus aucun son hormis les pulsation d'un cœur dont elle ne savait pas vraiment s'il lui appartenait. Plus d'autre parfum que celui de Dorgoth. Frisson. Son âme brûlait, s'enroulant à l'esprit du maître des cendres, quelques images lui apparurent tout à coup, désordonnés, brumeuses. Plusieurs sentiments la traversèrent comme une flèche et frôlèrent son coeur.

San ouvrit subitement les yeux et inspira brusquement, difficilement, comme si on lui avait plongé la tête sous l'eau quelques minutes.
Il déploya ses ailes.

L'Elue de l'Ombre reprenait tant bien que mal son souffle. Prise d'un nouveau spasme musculaire, ses doigts se crispèrent, tremblants, et sa tête se pencha en arrière. A ce moment précis, elle se demandait si elle s'habituerait à toutes ces flammes ou si elle finirait consumée avant qu'il ne puisse l'emmener où que ce soit. Il la tint plus fermement dans ses bras, la portant contre lui avant de battre doucement des ailes. La nuit était belle. Une nuit fraîche et étoilée. Ils s'élevèrent peu à peu, mais San ne s'en rendit même pas compte; elle arpentait lentement l'esprit sibyllin de Dorgoth et semblait progresser malgré elle. Impuissante, elle se contentait de ressentir des flux d'énergie, de sensations, comme la spectatrice d'une vie qui ne lui appartenait pas.
Pendant ce temps, le jeune homme traversait le ciel. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait éprouver de son côté, mais elle était quasiment certainement que ça ne devait pas être facile pour lui non plus. Néanmoins, San savait qu'il faisait ça pour elle. Qu'il lui avait ouvert son âme pour qu'elle puisse s'y réfugier, pour la protéger.

Il se posa enfin. San avait perdu toute notion du temps et ne reconnaissait pas plus l'endroit où ils se trouvaient. Sa respiration était devenue étrangement lente et son coeur semblait battre au ralentit lui aussi. Comme paralysée, elle ne parvenait plus à bouger ses jambes , ni ses bras, même entrouvrir ses lèvres était impossible. Elle se mit alors à paniquer et d'autres images se dressèrent sous ses yeux, San poussa un gémissement dérisoire. Elle suffoquait .

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