Bobos et tracas...

Leila suivit Sil des yeux, un sourire tendre sur les lèvres. Décidement, c'était un vrai rayon de soleil ce p'tit. Fronçant les sourcils, la brunette le vit voler dans airs, heureux, virevoltant entre les colonnes du hall, frôlant l'accident chaque seconde. Toujours dans les airs, elle s'apprêtait à rejoindre le jeune Elu, mais, ce dernier semblait ne pas savoir se contrôler, et, sans avoir le temps de réagir, elle le vit s'écraser au sol, sur le pied d'un cylindre de marbre. Choquée, Leila se laissa tomber lourdement à son tour, se relevant directement, pour courir à la rescousse de son p'tit préféré. Voyant son petit corps inanimé, jonchant le sol, elle ne réfléchit plus. Le saisissant sous la nuque et sous les genoux, elle s'éleva dans les airs. Le sang tacha son pull mais elle s'en foutait. Elle s'en voulait. Jamais elle n'aurait du le laisser utiliser ses pouvoirs sans sécurité, dans le hall où le terrain est plutôt dangereux. Mais qu'est ce qui lui avait prit ? Elle n'avait franchement pas le sens des responsabilité.

Battant des ailes, elle s'engouffra dans le vaste couloir du rez de chaussée, tenant fermement Sil contre elle. Baissant les yeux à un moment, elle se mordilla l'intérieur de la joue. Avec attention, elle pouvait entendre le léger sifflement de sa respiration. La chute aurait pu lui couter la vie. Etait-il dans un état grave? L'important, c'était de l'emmener près des gens qui eux sauraient s'occuper de son cas. L'hospice n'était plus qu'à quelques mètres. Leila prit sur elle, et fit en sorte d'oublier sa phobie en poussant la porte de ce lieu détestable.

Arrivant en trombe, Leila poussa les gens qui ne faisait pas parti du service, appellant de l'aide. Un médecin vint à son secours, examinant l'enfant d'un oeil critique.. Elle lui expliqua briévement les faits sous le regard assez méchant que lui lançait le docteur. Honteuse, elle posa délicatement le corps de Sil sur le lit à roulettes. Elle n'eut pas le droit d'assister à ses soins et dut aller dans la salle d'attente, assez énervée. Le docteur n'avait pas dit si le petit bonhomme pouvait s'en sortir ou pas. Il était tombé de haut quand même. Et puis, il devait être fragile..

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Dans la chambre 17 de l'hospice, Leila fut enfin autorisée à rentrer, après deux interminables heures d'impatience. Avant de refermer la porte, le médecin l'avait rassuré de ces quelques mots :

'Bon.. Il s'en sortira, il a l'air assez tenace ce p'tit.. A l'avenir, prenez soin de votre entourage, ce serait bien..'

Leila referma la porte avant d'avoir tout entendu. Elle culpabilisait tellement qu'en remettre une couche n'était une très bonne idée. rapidement, elle traversa le mini-couloir et Sil entra dans son champ visuel. Ce n'était plus son petit lutin mais une momie : il avait la tête enroulée dans un bandage, et apparemment son torse aussi. La brunette eut un pincement au cœur. Elle approcha le siège du lit, et contempla l'enfant. C'aurait pu être beaucoup plus grave. Beaucoup.

'Sil.. Si tu m'entends, je.. j'suis désolée..'

Leila brandit sa main tremblant et caressa tendrement la joue toute douce de l'Elu. Qu'avait-elle fait? Baissant la tête, elle mit son pouce et son index à chaque coin de ses yeux pour retenir les larmes. Elle n'avait pas le droit de pleurer. Ce n'était pas à elle de le faire. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle se rendit compte que Sil était un garçon vraiment trop attachant vu qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Leila le considérait presque comme son petit frère. Un petit rire nerveux qui n'y ressemblait pas trop d'ailleurs la secoua tandis qu'elle appuya son front contre la barre froide du lit d'hopital.

Tandis qu'il était transporté à l'infirmerie Sil lui flottait dans un chaos de tornades, de bourrasques et de trous d'air, tantôt il était transporté vers le haut, tantôt il chutait à des vitesses effrayantes. Mais ces violentes turbulences -seulement présentes dans l'esprit du jeune homme- n'inquiétait pas Sil et c'est avec un calme parfait qu'il se laissait porter de çi de là déambulant dans la folie de son pouvoir déchaîné. Tandis qu'il se faisait emporter par une nouvelle rafale qui le souleva comme un plume il tenta de se remémorer les derniers évènements, chose assez difficile à réaliser car son esprit était embrumé et chaque image qu'il essayait de se remémorer disparaissait aussitôt qu'elle apparaissait. Sil après plusieurs essais abandonna l'idée dans ce qui se rapprochait le plus d'un soupir, mais évidemment là où il se trouvait les choses matérielles n'avaient pas leur place.
Le jeune élu de l'air avait l'impression d'être dans cet univers de vent depuis des siècles sans pour autant s'y ennuyer, et il lui semblait qu'il pourrait y rester pour l'éternité, se laisser porter par les rafales d'air, plonger au coeur des cyclones, toute ces choses étaient si agréables...
Et puis il y avait cette étrange présence que ressentait le jeune homme, dans chaque caresse d'air, omnisciente, vive, Sil avait l'impression de ne faire qu'un avec cette présence si envoûtante. L'élu de l'air coupa un instant ses sens visuels au monde qui l'entourait, cherchant à entrer en contact avec cette chose qu'il ressentait. Au bout de quelques secondes de concentration il la ressentit, toute proche, tournoyant autour de lui. Hésitant sur la façon de l'aborder Sil tenta de formuler des mots dans sa tête. A sa grande surprise ceux-ci se firent entendre, se répercutant avec écho dans l'immense tempête.

"Salut! Qui est tu?"

Des milliers de sifflement se firent entendre alors, comme une soufle d'air s'engouffrant dans d'inombrables tunnels, formant des mots d'une voix indescriptible.

"Je suis toi Sil, je suis ton pouvoir, ta magie"

L'élu de l'air ne s'en étonna pas, il s'en doutait à vrai dire. Et puis tout cela semblait tellement iréel...

"Je vois...et c'est quoi ici?
-Tu est en toi...en partie, tu m'as libéré et maintenant les rôles se sont inversés. Si tu veut tu peut rester jouer avec moi...pour l'éternitée.
-Je ne sait pas...mon corps que va t-il devenir? Et puis j'aime l'extérieur moi...toi non plus tu ne pourra plus sortir si je restes là...
-...
-Et puis Leila..

Soudain tout revint dans l'esprit du garçon, le vol, la chute, la douleur et puis sa perte de conscience. Ce fut comme s'il ouvrait les yeux. Tandis qu'il recouvrait ses esprits, les vents se firent moins violents. Tandis qu'il se concentrait un peu plus la puissance des bourrasques s'amenuisait. Quelques instants plus tard Sil flottait au dessus d'un monde quasi silencieux où une légère brise soufflait. La présence qu'il avait ressenti auparavant était toujours là, mais maintenant elle semblait plus calme, docile.

-Ramène moi là bas.

Dès qu'il eut pensé ces mots un flash aveuglant envahit son champ de vision, accompagné d'un sifflement aigu et le garçon eut l'impression de perdre à nouveau connaissance. Quelques secondes plus tard il commença à ressentir de nouveau son corp, la douleur se fit ressentir peu après, vive et dans tout son corps. Le sifflement se changea en 'bips' réguliers avec autre chose que Sil connaissait sans réussir à l'indentifier tout de suite...des sanglots?
Enfin sa vision revint elle aussi, Sil n'y voyait pas grand chose, un énorme hématome enflant son oeil droit, mais il pouvait discerner les contours du plafond d'une chambre d'hopital. Les 'bips' provenaient de sa gauche, et les pleurs...
Sil se tourna vers la droite, dans un grognement étouffé de douleur. Leila était assise à coté de son lit et pleurait douçement.
Le coeur du garçon se serra à cette vision. Douçement il tendis la main vers la conseillère de l'eau carressant maladroitement ses cheuveux.

Non, une grande soeur n'aurait jamais laissé son p'tit frère sans sécurité. Elle aurait eu un peu plus d'intelligence et l'aurait tenu par la main. C'était quand même sa vraie première fois, et elle l'avait laissé lui montrer ses capacités en vol sans penser que le hall était bourré de dangers.. Se tapant légèrement la tête contre la barre en fer froid du lit, elle ne put retenir quelques larmes de couler. Une petite main caressa ses cheveux. Leila se figea, n'eut même pas le temps de se demander si elle rêvait qu'elle se releva, honteuse. Sil la regardait avec peine à cause de cet énorme hématome colorant le tour de son œil.. La brunette s'arrêta de respirer quelques instants, les mots coincés au fond de la gorge. Puis, ils sortirent, tous d'un coup, la faisant bafouiller.

'Sil! Ça va? Oh, Sil, j'suis désolée..'

Leila le contempla longuement de son regard azur mouillé puis, avisant une boite de mouchoirs, elle s'en saisit d'un et se moucha discrètement. Elle était gênée de la voir là, dans cet état alors qu'il venait juste d'arriver à l'Académie. Que diraient ses parents? Et puis, pourquoi ne parlait-il pas? Etait-il privé de la parole? Non. Là, c'était de la parano. Ok, il était tombé de haut, avait du se faire très très mal mais il n'était pas muet pour autant. Leila laissa tomber son visage sur le lit. La main du garçonnet était à quelques centimètres. Levant la sienne, la brunette fit marcher son index et son majeur sur le bras de Sil, les faisant remonter. Mais ils ne le touchaient à peine, juste un petit frôlement.

Leila attendait un signe que tout allait bien. Elle n'osait presque pas le regarder dans les yeux. Arrêtant de faire joujou, elle prit la main du garçonnet et plongea son regard dans le sien.

'..Ça va?..'

Sil frissonna au contact des doigts de Leila sur son bras, il lui sourit avec difficultés et hocha la tête. En vérité ça n'allait pas vraiment, il avait mal de partout, sa vue était un peu floue et l'engourdissement de son corps et de son esprit lui faisait tout ressentir de manière pesante.

"Ça va?"

A ces mots Sil hésita, il aurait voulu se plaindre qu'il se sentait mal, qu'il se sentait barbouillé, demander s'il devrait rester comme ça longtemps, qu'il voulait qu'on lui explique...mais au final tout ça lui semblait inutile, égoïste. Il ressentait déjà ces remords à ne penser qu'à lui avant de quitter sa famille. Mais alors qu'il repoussait ce sentiment auparavant, maintenant qu'en face de lui Leila, des larmes cristallines perlant de ses yeux azurs, le regardait avec toute l'inquiétude du monde imprimée sur le visage il renonçait à dire où faire quoi que ce soir qui puisse la heurter la blesser, où même la décevoir.
Doucement Sil hocha la tête sans perdre son sourire, il se crispa quand ce mouvement étira ses trapèzes endoloris. Il reposa sa tête sur le coussin blanc et soupira. Il était vraiment mal en point.

"Ça va...c'est pas ta faute."

Répondit-il finalement dans un souffle presque inaudible. De nouveau ses grands yeux gris fixèrent le plafond se perdant dans le blanc opaque de celui-ci. Sa main caressant doucement la paume de Leila.

Leila essaya d'étirer ses lèvres en un sourire réconfortant. C'était Sil le souffrant et c'était elle qui chouinait à côté. Génial l'ambiance. Non, pour un garçonnet, il fallait mieux ne pas montrer son inquiètude. Ca ne ferait qu'empirer son état. Et puis elle voulait le revoir tout sourire, en train de gambader. Ce n'était pas en restant comme ça qu'il allait reprendre goût à la vie. Ok, il avait eut un accident. Ok, il était mal en point. Mais la vie continuait, repartait sur de nouvelles bases, alors, ne pas perdre de temps. Surtout ne pas perdre de temps. La jeune fille réfléchissa longuement, avant de fermer les yeux, d'inspirer un bon coup, d'attacher ses cheveux en une cuche haute grâce à l'elastique mauve de son poignet et de poser ses mains sur la poitrine du jeune Elu.

La Conseillère Divine sentait l'énergie passer entre elle et Sil, grâce à chaque doigt qui faisait passer le courant. C'était comme si elle vidait un peu la jauge de sa force énergique pour l'offrir à son p'tit lutin. Pendant cinq bonnes minutes, l'opération se fit, silencieusement. Quand elle rouvrit les yeux, la brunette fut satisfaite de constater les couleurs plus vives sur les joues du garçonnet et une mine plus en forme.

Après lui avoir enfilé son sweat en vitesse, Leila, d'assez bonne humeur à présent, elle prit les médicaments trainant sur la commode. Elle le prit dans ses bras, comme un prince, un sourire malicieux sur les lèvres. Même s'il se sentait pas encore très bien, elle l'installerait dans une vraie chambre. Ici n'était pas le lieu idéal pour un jeune. Ici n'était le lieu idéal pour personne en fait. D'une main, elle ouvrit la porte de l'infirmerie à la volée.

'Allez, j'te kidnappe!'