Un retour pour le moins angoissant ... [Libre ^^]

Sakura dévala l’escalier, trébucha sur la queue de son chat. Elle tomba cul par-dessus tête, et atterri sur le parquet du salon, une griffure sanguinolente sur sa joue. Ce maudit chat l’avait griffée lors de sa chute. Elle le voyait non loin d’elle, planqué sous une table à feuler avec peur. Elle jura, essaya de se relever avec douceur. Plus loin, elle entendit des pas qui se précipitaient vers elle.

« Eh, eh, ça va ? »

C’était une voix masculine assez jeune. La jeune femme leva les yeux vers son demi-frère qui la soulevait afin de la remettre sur pied. Elle lui assura qu’elle allait bien, lui sourit. C’était drôle, car elle l’avait toujours détesté, avant. Et aujourd’hui, ils étaient comme liés par le sang. Le jeune homme tenait une valise dans sa main, c’était celle de Sakura. Il la lui tendit à contrecoeur.

« Fais attention à toi, petite sœur. Reviens vite me voir. »

Elle n’aimait pas les adieux. Il la serra dans ses bras, et elle sortit rapidement après avoir attrapé son chat en prenant garde à ne pas se faire griffer une fois de plus. La porte claqua derrière elle en étouffant les sanglots de son frère de cœur. Maintenant, elle devait partir.

***

Quelques heures plus tard, Sakura était assise dans un aéronef. Elle avait longuement hésité sur le choix de l’appareil, et elle avait finalement opté pour un vieux. Les espaces spacieux et trop beaux lui rappelaient la guerre qui avait eu lieu, il y a de cela plusieurs années maintenant. Cela pouvait paraître idiot, mais elle se sentait bien, là, assise sur un fauteuil inconfortable, aux côtés d’un hublot qui donnait sur le ciel, et avec pour seule compagnie son fidèle animal. La jeune fille passa instinctivement sa main sur sa gorge, où résidait une longue cicatrice qui s’obstinait à ne pas vouloir partir. Elle fendait sa peau, traçant une courbe douloureusement précise au dessus de sa carotide. Elle était aussi très visible, et Sakura avait prit l’habitude de laisser ses longs cheveux détachés dans l’espoir de la cacher. Mais elle attirait quand même l’œil, et c’était vraiment désagréable.

Sur ces pensées, elle finit par s’endormir, bercée par les remous de l’appareil contre le vent qui giflait ses flancs d’acier.

Elle ne se réveilla que très peu de temps après, lorsque l’aéronef se posa sur un emplacement spécial. Elle prit son temps pour s’emparer de ses affaires, cala son chat dans le creux de son bras. Pâteuse, elle sorti de l’engin et marcha de longues minutes pour enfin arriver devant la porte du hall de Shima. D’extérieur, c’était grand, très grand. Elle avait l’impression de revenir dans le passé, lorsqu’elle était arrivée pour la première fois à Tara. C’était impressionnant. Sakura avança une main indécise vers la poignée, ouvrit doucement, et entra avec la plus grande indiscrétion : lorsque la porte fut fermée, fit tomber sa valise qui s’abattit sur le sol avec un son de cloche. Elle n’en fut pas bouleversée pour autant, il n’y avait personne à cette heure-ci dans le hall… Elle soupira, caressa de sa main libre l’animal qui ronronnait dans ses bras. Elle ne savait pas si elle avait le droit d’emmener un chat, mais qu’importe, elle n’avait pas voulu venir seule. Maintenant, il fallait qu’elle s’adapte, qu’elle ait un bon sens de l’orientation…Mais c’était mal parti, car Sakura n’avait pas le compas dans l’œil…

Une chaude après-midi s'annonçait pour les habitants de l'île baignée d'une lumière rougeâtre. Dans le parc de Shima, assise sur un banc, les yeux clos, le menton relevait, Mathilde savourait cette douce chaleur. Ses pensées s'étaient évadées vers les chutes sauvages de Tara, et elle se remémorait le moment merveilleux où elle avait pu les comptempler.

Soudain, un souffle éléctrique passa à proximité. Surprise, l'élue de la Terre ouvrit les yeux, prête à apercevoir son ami Vect. Au lieu de ça, elle distingua, à quelques mètres de là, une fine silhouette, marchant en direction de l'Académie, qui lui était étrangement familière.

Intriguée, Mathilde se redressa, s'étira, attrapa la fine écharpe de soie qu'elle avait laissée à coté d'elle, l'enroula autour de son coup, elle partit à la suite de l'ombre. Elle la rattrapa alors que celle ci s'arrêtait devant les marche de l'établissement, comme pour savourer ce moment inoubliable.

Une décharge traversa le corps de Mathilde, lorsqu'elle s'arrêta à son tour pour comptempler la jeune femme qui se trouvait devant elle. Oui. Elle la connaissait! Elle venait de Tara. C'était Sakura. Un sourire malicieux éclaira le visage de la Conseillère qui pénétra dans le hall lumineux à la suite de l'élue de la Foudre.

Ses pas résonnèrent sur le sol de marbre. Quelques élus flanaient dans un coin, mais sinon, personne, à part elle et la jeune Eirys. Mathilde s'avança d'un pas résolu vers l'autre fille et dit, d'un ton ferme:

Salut. Moi c'est Mathilde. On se connait je crois.

Elle se maudit intèrieurement. C'était très plat comme discours de bienvenue.

Sakura ne se doutait pas qu’elle avait été suivie, même lorsque que la porte se ferma derrière elle, lui envoyant un dernier souffle de brise fraîche aller à l’encontre de sa nuque. L’adolescente regardait toujours autour d’elle, et elle ne semblait pas décidée à s’avancer, où à progresser dans les couloirs qu’elle apercevait, plus loin. Elle était un peu découragée. Non en fait c’était pire que ça, elle regrettait d’avoir obéi à cet élan d’envie qui l’avait assaillie lors d’un cauchemar. C’était tellement bête de sa part ! L’adolescente soupira doucement, fixa son chat blanc qui s’agitait dans ses bras, n’arrivant pas à se lover correctement. Les yeux de l’animal se figèrent sur quelque chose, derrière elle. Elle se retourna, avala sa salive de travers et manqua de s’étouffer. Une boule s’était formée au niveau de son estomac, lui procurant un sentiment de honte et de peur vraiment très désagréable. Lorsqu’elle réussit à récupérer son souffle, Sakura observa la jeune fille qui se trouvait devant elle, et qui se disait être Mathilde. Effectivement, elles se connaissaient, puisque ayant été dans le même parti lors de la guerre. Cette jeune fille venait également de Tara, et elle savait qu’elle était une élue de la Terre. Mais c’était tout.

"Moi c’est Sakura, on se connaît effectivement…"

Gênée, l’adolescente eu le réflexe de fixer les yeux de Mathilde avec une intensité presque effrayante. Il n’y avait pas l’ombre d’une ironie quelconque : ce trait de caractère l’avait désertée depuis longtemps maintenant, et il fallait qu’il y ait tout de même une grande complicité entre la jeune amnésique et des les gens pour qu’elle soit vraiment elle-même. Mais cela faisait déjà longtemps qu’elle tentait de faire des efforts. Elle ne savait pas quoi dire maintenant. N’étant pas vraiment bavarde de nature, Sakura se contenta de rester figée, sa main allant et venant sur le pelage de l’animal lové dans ses bras.

"Tu es ici depuis longtemps ?"

C’était la seule question qui lui était venue, là, tout de suite maintenant. Inconsciemment, elle songeait que si Mathilde avait suivit tous les autres élus vers Shima, elle aurait une idée de la période où Tara fût déserté. C’était idiot bien sûr, elle ne voulait que se rendre coupable. L’adolescente attendit patiemment une réponse de la jeune fille en face d’elle, détournant ses yeux pour découvrir les alentours, là où elle allait vivre pour un bon bout de temps désormais.

Mathilde avait senti le regard du chat brûler sa peau fraiche. C'était, d'ailleurs, ce qui l'avait décidée à parler. Elle se gratta la nuque, génée par ce premier contact et recula légèrement, en soutenant, cependant, le regard de Sakura planté dans ses yeux azurs.
Elle ne savait plus quoi dire et attendait que l'autre s'exprime, d'un manière ou d'une autre. Elle regrettait presque d'avoir suivi l'autre élue, si distante, si étrange.
Et pourtant, le fait était là. Elle était, au milieu du hall presque vide, dos à l'immense porte de bois massif, face à Sakura Eïrys. Et elle ne savait pas quoi dire.
Heureusement, l'autre, tout en caressant machinalement son chat, lui offrit un échapatoire au silence pesant en lui posant une question. Simple question, qui, pourtant, donna à Mathilde l'occasion de réfléchir. Elle ignorait la date précise de l'arrivée, mais répondit quand même, dans un souffle:
-Depuis...la mort de Zackt, je crois.
Elle sourit, mécaniquement, simplement pour marquer la fin de sa phrase. Puis, alors que le silence allait se réinstaller, une question banale lui vint à l'esprit. Banale, peut être, mais ça ne l'empêchait pas de la poser:
- Comment es-tu arrivée ici?

C’avait été, au cours des derniers mois, les mots qui refoulèrent en elle le plus de sentiments. Des sentiments de honte, de désarroi, de tristesse, d’angoisse…Et surtout de regret. Sakura évita soigneusement le regard de l’élue de la terre, sachant éperdument qu’à ce moment précis, tout ce qu’elle ressentait pouvait se lire dans ses yeux couleur d’argent. Sa main allait et venait doucement sur le pelage du chat noir, toujours blotti dans ses bras, et qui semblait faire ses griffes sur son bras à la manière des chatons. Depuis la mort de Zackt... Elle sentit une boule se former au niveau de sa gorge. Ainsi, Mathilde avait suivit tout le monde lors de ce grand déplacement vers Shima. Elle les avait suivi, et aujourd’hui et semblait s’y être grandement habituée. L’amnésique regarda le plafond voûté, qu’elle considéra presque avec une attention suspect. Elle hésitait presque à répondre, se sentait terriblement gênée, maintenant.

"Par le plus miteux des aéronefs qui puissent exister…"

Cette phrase avait fait vibrer ses cordes vocales sans qu’elle ne s’en rendre vraiment compte. Lorsqu’elle entendit sa propre voix, elle s’étonna d’avoir dit haut ce qu’elle pensait, et elle en fût d’autant plus mal à l’aise. Sakura baissa les yeux, les riva sur une fenêtre, puis sur la grande porte du hall, avant de regarder Mathilde. Elle essayait de refouler tous ces sentiments qui arrivaient anarchiquement dans son esprit, se battaient les uns contre les autres pour savoir qui allait prendre la première place. Et il semblait que l’angoisse était arrivée en tête puisque la jeune élue se sentait très mal.

"J’avais envie…de revenir…"

Fit-elle sur un ton qui lui était inhabituel. C’était une voix de fautive, celle qu’on souvent les petites filles ayant fait la pire des bêtises de leur vie, et qu’elles regrettent amèrement au point de vouloir fuir, de vouloir se cacher de la réalité.

Revenir... ce mot, unique, plongea Mathilde dans une profonde réfléxion. Le léger sourire qui animait son visage s'éteignit dans un sursaut, l'éclat malicieux qui brillait dans ses yeux fit place à une ombre de tristesse.
Revenir...seuls les morts ne pouvaient pas le faire. Seuls ce qui regrettent le font. Sakura regrettait elle l'ambiance de Tara? La magie qui s'en dégageait? Probablement.

Pourtant, lorsqu'elle parlait, on sentait pointer dans sa voix un peu de tristesse, comme si elle regrettait d'être revenue. Cependant, Mathilde, faisant étrangement preuve de tact, ne fit pas le moindre commentaire; elle proposa simplement:
-As-tu besoin de quelque chose?
Elle comprenait, et pensait, que l'élue de la Foudre préférait aborder un autre sujet, plus souple. Elle même, d'ailleurs, se sentait mal à l'aise.

Elle avait remarqué, qu'étrangement, contrairement aux autres, Sakura arrivait avec une valise. Preuve, évidente, qu'elle avait préparé son voyage. Alors, peut-être n'aurait-elle besoin de rien, et, dans ce cas, Mathilde restait, bien inutilement.